l\'indifférence et la curiosité-le théâtre reflet des temps

Gintz

André Gintzburger, figure tutélaire du monde théâtral, accompagnateur d’artistes de la scène, de la rue ou du chapiteau, a couché quarante ans d’impressions et de réflexions d’après spectacles dans de petits carnets soigneusement rédigés à la main. Aujourd’hui il exhume ce trésor et livre un ouvrage de huit cents pages intitulé L’Indifférence et la curiosité, édité par L’Age d’Homme avec le soutien de HorsLesMurs et du Centre national du Théâtre.

 

La première partie, L’Indifférence et la curiosité, relève de l’autobiographie. Souvenirs et anecdotes relatent les grandes étapes de la vie de l’auteur, indissociables de l’histoire du théâtre. Une deuxième partie, Le Théâtre, reflet des temps, regroupe la transcription de ses carnets de 1960 à 2000.
L’Indifférence et la curiosité est essaimé de réflexions morales, livrant par petites touches un portrait de « Gintz », comme l’appellent ses proches : ses convictions politiques, sa vie intime, et toujours, ses relations au monde du théâtre. Pourquoi l’indifférence ? Il y en eût de plusieurs sortes. Dans les années quarante, les officiers allemands et la milice française ignoreront plusieurs fois, pour sa survie, le juif Gintzburger. Juif, certes, mais surtout agnostique de quatre-vingt sept ans, qui regarde son « échéance naturelle se rapproche[r] » avec tranquillité. Indifférence, encore. Indifférence, parfois, de spectateur déçu par les œuvres qu’il reçoit. Comme l’indique le titre de l’ouvrage, c’est la curiosité qui vient en balance, et qui toujours animera la motivation du producteur, auteur, agent, tourneur, conseiller… Aucune « fiche métier » ne lui colle. Amoureux de la scène, c’est certain.
Au fil des pages, se déroule un long témoignage qui, du particulier, mène au général : celui d’un jeune homme imprudent qui mène allègrement une tournée de théâtre sous l’Occupation, celui de l’administrateur du Centre Dramatique de l’Est aux débuts de la décentralisation, celui du fondateur de « Théâtre d’Aujourd’hui » qui dévoile des avant-gardes...
Sur le tard, viennent les arts de la rue et le cirque contemporain. A la fin des années 80, Gintzburger s’éloigne du théâtre en salle et se tourne vers de nouvelles formes. Depuis cette période, il accompagne bon nombre de compagnies dans leurs projets, dont Zingaro, Archaos, Royal de Luxe, le Théâtre de l’Unité, el Teatro del Silencio… puis plus récemment Acrobat, l'Acte Théâtral, Licedei, le cirque Tzigane Romanes, Bonheur intérieur brut, Tiger Lillies circus…
Toujours en témoin du temps et des tendances de la création, il repère en ces ardents créateurs des forces prometteuses. Les arts de la rue et le cirque contemporain, jeunes de leurs trente ou quarante ans d’existence, doivent aussi à Gintzburger d’avoir défriché le chemin qui les menait à la reconnaissance.

(Violette Bernad, Hors les murs)

 

 

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24/11/2010
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